loading . . . “Le Vacataire” : questions à Thomas Porcher, auteur d’un essai sur la précarité à l’université sorti aujourd’hui en librairie “Le Vacataire” : questions à Thomas Porcher, auteur d’un essai sur la précarité à l’université sorti aujourd’hui en librairie
nfoiry
mer 02/04/2025 - 10:30
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L’économiste Thomas Porcher a été vacataire dans plusieurs universités de 2006 à 2011. Un statut précaire, celui d’enseignant rémunéré à l’heure, qui touche son salaire parfois avec des mois de retard, qui n’a droit ni à des congés ni aux allocations chômage. Comment nous en sommes-nous arrivés à tolérer de telles situations ?
À l’occasion de la sortie de son livre Le Vacataire. Expérience vécue de la précarité à l’université (Stock/Philosophie magazine Éditeur), disponible dès aujourd’hui en librairie, Thomas Porcher a accepté de répondre à nos questions.
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Quelle a été votre expérience en tant que vacataire au sein de l’enseignement supérieur ? Qu’est-ce qui vous a frappé ?
Thomas Porcher : J’ai été vacataire pendant cinq ans après mon doctorat, entre 2006 et 2011. Je donnais une quarantaine d’heures de cours par semaine dans plusieurs universités, je signais une vingtaine de contrats précaires par an et j’étais payé tous les six mois. Personne ne s’attend à être dans une situation précaire après huit années d’études. Surtout que cette situation ne constitue pas un tremplin vers un poste, bien au contraire. Dans le livre, je parle de « trappe à vacation », dans le sens où le vacataire doit donner énormément de cours pour s’assurer un revenu convenable, alors même qu’il devrait consacrer son temps à la recherche académique afin d’augmenter ses chances d’obtenir un poste. Par ailleurs, cette situation précaire a des conséquences psychologiques comme le manque d’estime de soi et le stress notamment de ne pas être renouvelé d’une année sur l’autre ou d’avoir des retards de paiement.
Pourquoi en parler maintenant ?
En 2023, il y a eu une grève des notes de la part des vacataires dans plusieurs universités, c’était inédit. Durant ma période de vacatariat, j’avais décrit sur les pages d’un cahier mes journées de travail et mon ressenti dans certaines situations. Pendant cette grève de 2023, donc plus de dix ans après, je les ai relues. Il y avait pour moi dans ces écrits quelque chose que je ne trouvais pas dans l’analyse économique : la confrontation directe avec le vécu. Il existe de nombreux travaux de recherche qui analysent et chiffrent la précarité, et j’ai pensé que ce pourrait être intéressant de les articuler avec le réel et mon ressenti de l’époque. Le but du livre est de vivre le quotidien d’un vacataire, de décrire l’impact de la précarité au travail sur les autres pans de la vie. Mon expérience n’en est qu’une parmi d’autres, et j’espère, avec ce livre, pouvoir ajouter ma pierre à l’édifice des nombreux témoignages sur l’ubérisation des facs.
“Une société qui traite aussi mal ses professeurs est une société malade”
Qu’est-ce que cette situation au sein de l’université française dit de la précarité dans notre société ?
À mon sens, une société qui traite aussi mal ses professeurs est une société malade. Aujourd’hui, deux tiers des enseignants de l’Université sont des vacataires, et, sans eux, l’université n’arriverait pas à fonctionner. La précarité touche autant le secteur public que le privé, il faut en avoir conscience. Le plus aberrant dans cette situation, c’est que les universités ont des besoins et que les vacataires aiment leur métier et ont été formés pour cela. Dans un système qui fonctionnerait normalement, toute personne donnant une quarantaine d’heures de cours par semaine depuis plusieurs années devrait avoir droit à un statut. Tout autre situation est inacceptable.
La réponse à apporter à cette précarité au sein de l’université française est-elle politique ?
Elle est uniquement politique à mon sens. Quand, d’un côté, les politiques veulent que 80 % d’une génération aient le bac, que 60 % obtiennent une licence et qu’ils ne créent pas les postes nécessaires en face, ils créent indirectement une armée de travailleurs précaires qui vont combler les trous. Il faut que tout le monde en ait conscience, statutaire ou non, devenir vacataire n’est pas le fruit de bons ou mauvais choix individuels dans la conduite de ses études, ni même celui d’une juste sélection, il est avant tout la conséquence de choix politiques. Plus de 160 000 personnes en France sont aujourd’hui vacataires et sont directement impactées par la précarité. Le corps précaire à l’université est avant tout une création du politique.
➤ L’essai Le Vacataire. Expérience vécue de la précarité à l’université de Thomas Porcher (paru dans la collection « Immersions », chez Stock/Philosophie Magazine Éditeur) est disponible dès aujourd’hui en librairie et sur le site des éditions Stock.
➤ L’auteur présentera son ouvrage le 8 avril à la librairie Ici Grands Boulevards à Paris.
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