loading . . . Quand Paris prend des airs de village avec Ali Akbar, son dernier crieur de journaux Par AFP Par Camille KAUFFMANN © 2025 AFP
Tout le monde le connaĂźt et il connaĂźt tout le monde. Chaque jour, Ali Akbar slalome de terrasse en terrasse pour vendre ses journaux en plein coeur de Paris. A 73 ans, ce Pakistanais est le dernier vendeur de journaux Ă la criĂ©e de la capitale. "La France va mieux !": Eric Zemmour, candidat d'extrĂȘme droite Ă l'Ă©lection prĂ©sidentielle de 2022, "s'est converti Ă l'islam !" : Ali invente des titres humoristiques et les dĂ©clame, sillonne les rues de Saint-Germain-des-PrĂ©s sous les regards amusĂ©s des habitants et touristes de ce Paris des intellectuels, des galeries d'art et des librairies. Avec lui, la capitale prend des airs de village.
"MĂȘme les murs pourraient parler dâAli", dit en souriant Amina Qissi, serveuse dans un restaurant en face du marchĂ© Saint-Germain, qui connaĂźt le vendeur pakistanais depuis plus de 20 ans. Pour elle, ce "personnage" svelte et au visage fin, avec ses journaux sous le bras, est indissociable du quartier. "MĂȘme les touristes habituĂ©s nous demandent oĂč il est, si jamais ils ne le voient pas !" Vie de galĂšres
Le prĂ©sident de la RĂ©publique Emmanuel Macron a promis de le nommer prochainement au grade de chevalier dans l'ordre national du MĂ©rite pour "son engagement au service de la France". "Au dĂ©but, je nây croyais pas, câest sĂ»rement des amis qui lui ont demandé⊠ou peut-ĂȘtre que câest lui qui a dĂ©cidĂ© tout seul, on se croisait souvent quand il Ă©tait Ă©tudiant", se souvient le vendeur, lunettes rondes, bleu de travail et casquette gavroche, qui vend dĂ©sormais principalement le journal Le Monde. "Je crois que c'est par rapport Ă mon courage. Parce que j'ai beaucoup travaillĂ©", explique-t-il. ArrivĂ© Ă 20 ans en France, dans l'espoir de sortir de la misĂšre et d'envoyer de l'argent Ă sa famille restĂ©e au Pakistan, il a Ă©tĂ© marin puis plongeur dans un restaurant Ă Rouen (nord-ouest), avant de rencontrer Ă Paris Georges Bernier, dit "le professeur Choron", qui lui propose de vendre ses journaux satiriques Hara-Kiri et Charlie Hebdo. Un temps sans domicile fixe, il raconte avoir Ă©tĂ© victime d'agressions, connu l'extrĂȘme pauvretĂ©. Une vie de galĂšres, mais il n'a jamais "laissĂ© tomber". "Emmanuel Macron va mettre un peu de BĂ©tadine sur mes blessures", a-t-il confiĂ© Ă Shahab, 30 ans, le benjamin de ses cinq enfants, qui se dit "trĂšs admiratif" de son pĂšre. The New York Times, BBC, The Asia Business Daily, La Stampa : Shahab aime rĂ©pertorier les multiples portraits consacrĂ©s Ă son pĂšre dans la presse Ă©trangĂšre. A ses dĂ©buts de crieur dans les annĂ©es 1970, Ali jette son dĂ©volu sur le 6e arrondissement, alors un quartier universitaire oĂč l'"on mangeait pour pas cher". Il frĂ©quente la rue Saint-Guillaume devant Sciences Po et raconte avoir appris le français au contact d'Ă©tudiants comme l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et "plein d'autres qui sont devenus ministres ou dĂ©putĂ©s". "Mettre de l'ambiance"
Paris comptait alors une quarantaine de vendeurs de journaux Ă la criĂ©e, postĂ©s Ă des endroits stratĂ©giques comme les bouches de mĂ©tro. Il se dĂ©marque en choisissant de dĂ©ambuler et opte pour le Quartier latin. C'est dans les annĂ©es 1980 qu'il commence Ă inventer des titres racoleurs. "Moi, je veux que les gens vivent dans la joie. Je fais ça pour mettre de l'ambiance, c'est tout", explique-t-il, avant d'admettre "avoir de plus en plus de mal Ă trouver de bonnes blagues", tellement "c'est le bordel". Il perçoit 1.000 euros de retraite par mois mais continue Ă travailler de 15 Ă 22 heures. Cet aprĂšs-midi-lĂ , les clients se font rares. Il Ă©coule en moyenne une trentaine de journaux par jour, contre 150 Ă 200 Ă ses dĂ©buts. "Tant que jâai de lâĂ©nergie je continue, je travaillerai jusquâĂ la mort !", plaisante-t-il. Il est "touchant", affirme Amel Ghali, 36 ans, assise en terrasse, "Ă l'Ăšre du numĂ©rique, c'est beau de voir ça... Nos enfants ne connaĂźtront malheureusement pas le plaisir de lire un journal avec son petit cafĂ©". https://information.tv5monde.com/culture/quand-paris-prend-des-airs-de-village-avec-ali-akbar-son-dernier-crieur-de-journaux-2792697