loading . . . La Chine couvre ses déserts de panneaux solaires pour alimenter son économie Par AFP Par Adrien SIMORRE et Agatha CANTRILL © 2025 AFP
Dans un désert du nord de la Chine, un océan de panneaux solaires bleus recouvre le sable ocre, épousant le relief de dunes comme des vagues, symbole de la transition énergétique à marche forcée du géant asiatique. "Avant, il n'y avait rien ici (...) c'était complÚtement désert", se souvient Chang Yongfei, un natif de la région, la Mongolie intérieure, qui travaillait auparavant dans le secteur du charbon, un pilier historique de l'économie de la région. A 700 km de Pékin, ces centaines de milliers de panneaux représentent le symbole de la transition énergétique de la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Le dirigeant Xi Jinping s'est engagé mercredi à réduire les émissions nettes du pays de 7 à 10% d'ici 2035, dans un discours vidéo à un sommet spécial de l'ONU à New York.
Les installations solaires dans les dĂ©serts et zones arides sont un maillon clĂ© de cette stratĂ©gie: le triple de la capacitĂ© Ă©lectrique totale de la France doit y ĂȘtre installĂ©e entre 2022 et 2030, selon un document de planification. Des images satellites analysĂ©es par l'AFP confirment un dĂ©ploiement fulgurant ces dix derniĂšres annĂ©es du photovoltaĂŻque dans les grands dĂ©serts chinois. A Ordos dans le dĂ©sert de Kubuqi, oĂč s'est rendue une Ă©quipe de l'AFP, plus de 100 kmÂČ de sable ont Ă©tĂ© recouverts de panneaux solaires, soit la superficie de la ville de Paris. Mais ce choix pose de nombreux dĂ©fis: les tempĂȘtes de sable peuvent dĂ©grader les installations, et des tempĂ©ratures trop Ă©levĂ©es rĂ©duisent l'efficacitĂ© des cellules. L'accumulation de sable sur les panneaux nĂ©cessite en outre une quantitĂ© considĂ©rable d'eau pour les nettoyer, dans des zones pourtant arides. Pour pallier ces difficultĂ©s, les panneaux utilisĂ©s Ă Kubuqi sont dotĂ©s de ventilateurs capables de se nettoyer automatiquement et emploient une technologie bifaciale permettant de capter aussi la lumiĂšre rĂ©flĂ©chie sur le sable, selon les mĂ©dias officiels. Spot touristique La distance entre les dĂ©serts et les centres de consommation reprĂ©sente un autre frein au dĂ©veloppement de ces projets. Les centrales solaires du Kubuqi visent Ă approvisionner les provinces de PĂ©kin, Tianjin ou du Hebei, Ă des centaines de kilomĂštres au sud. Il y a un risque rĂ©el de "congestion sur les lignes de transmission", note David Fishman, associĂ© principal de la sociĂ©tĂ© de conseil Lantau Group. Pour cette raison, plusieurs provinces dont la Mongolie intĂ©rieure "restreignent l'approbation de nouveaux projets", ajoute-t-il.
Ces projets doivent aussi composer avec l'essor du tourisme, qui a explosĂ© dans le dĂ©sert de Kubuqi, stimulĂ© par les vidĂ©os d'expĂ©ditions en quads ou de balades en dromadaires. Au volant de son 4x4, Chang Yongfei, l'ancien travailleur du charbon, compte aujourd'hui sur cette activitĂ© pour gagner sa vie. Ses huttes avec vue panoramique au milieu des dunes, Ă quelques pas du champ solaire, font un carton sur les rĂ©seaux sociaux. "Cette transition (Ă©nergĂ©tique) a Ă©tĂ© trĂšs bonne pour la rĂ©gion", souligne ce pĂšre de famille de 46 ans, avouant toutefois ĂȘtre "trĂšs inquiet" que le champ solaire n'engloutisse l'ensemble du dĂ©sert, et avec lui la manne touristique. "Mais je fais confiance au gouvernement pour nous en laisser une petite partie", glisse-t-il. Maintien du charbon D'autres voix soulignent que le dĂ©veloppement massif du solaire n'a pas signĂ© l'abandon du charbon, en particulier en Mongolie intĂ©rieure. La Chine a mis en service au premier semestre 2025 de nouvelles capacitĂ©s de production d'Ă©lectricitĂ© au charbon jamais vues depuis 2016, selon un rapport du Centre de recherche sur l'Ă©nergie et l'air pur (CREA) et du Global Energy Monitor (GEM). Autour de Kubuqi, des camions noircis par la suie, des trains interminables remplis de houille et de grandes cheminĂ©es fumantes tĂ©moignent de la vigueur de cette industrie. Tant que le charbon "continue de jouer un rĂŽle dans le systĂšme Ă©nergĂ©tique chinois, il constitue en rĂ©alitĂ© un obstacle structurel Ă l'expansion de l'Ă©nergie Ă©olienne et solaire", Ă©crivait en juin l'ONG Greenpeace.
Le déploiement de vastes champs solaires dans les déserts soulÚve enfin des questions concernant leur impact sur le climat, note Zhengyao Lu, chercheur à l'université de Lund. Selon lui ses modélisations, l'absorption de la chaleur par de grandes surfaces sombres peut modifier les flux atmosphériques et avoir "des effets secondaires négatifs, par exemple avec une réduction des précipitations" dans d'autres régions. PlutÎt que de couvrir la plus grande surface possible en panneaux solaires, il préconise un "développement plus intelligent, localisé et organisé, qui combine production énergétique et préservation écologique". Mais les risques du solaire "restent moindres comparés aux dangers du maintien des émissions de gaz à effet de serre", conclut-il. https://information.tv5monde.com/economie/la-chine-couvre-ses-deserts-de-panneaux-solaires-pour-alimenter-son-economie-2792018