loading . . . Le QuĂ©bec libre? Le Canada est un projet extractiviste violent. Avant dâĂȘtre un pays indĂ©pendant â ou une « nation » â, le Canada, câest un mariage de circonstances, le compromis le plus commode pour les Ă©lites coloniales, baptisĂ© dans le sang des MĂ©tis.
Georges-Ătienne Cartier, un Canadien français, a pris les armes contre lâEmpire britannique, adolescent. Trente ans plus tard, il vendait des parts du chemin de fer dans des assemblĂ©es publiques en vue de la ConfĂ©dĂ©ration.
Câest comme ça, ici. La classe des notables ne se fait trop dâaccroires et assure son meilleur intĂ©rĂȘt, elle agite les nationalismes quand ça adonne.
Aujourdâhui, les menaces externes dopent un renouveau du projet colonial canadien et on semble revenir aux origines. Les « _nation-building projects_ » supposĂ©s nous prĂ©munir contre lâinstabilitĂ© amĂ©ricaine deviennent un prĂ©texte pour revitaliser les relations entre Ottawa et les provinces, entre la classe politique et les Ă©lites Ă©conomiques.
On commence à voir les contours de ce qui pourrait former un « corridor énergétique » canadien, un des potentiels projets nationaux qui seront à la discrétion du gouvernement Carney. Sans grande surprise, on nous parle déjà de gaz naturel liquéfié (GNL).
## Indépendances néo-coloniales
On sait que le soutien au dĂ©veloppement du pĂ©trole et du gaz est abyssal au QuĂ©bec, alors on peut sâattendre Ă ce que lâunitĂ© canadienne ait rapidement du sable dans lâengrenage sur celle-lĂ .
Surtout que lâAlberta continue sa poussĂ©e sĂ©paratiste et que le Parti quĂ©bĂ©cois trĂŽne ici au sommet des sondages. Mais ces tendances sĂ©cessionnistes poursuivent toujours le mĂȘme colonialisme et le mĂȘme extractivisme, repris Ă la sauce locale.
Lâesprit pratique â lâimpĂ©ratif du profit â façonne encore largement le pays et câest dâailleurs lâenjeu de tous les mouvements indĂ©pendantistes et rĂ©gionalistes : des chicanes dans le sommet des hiĂ©rarchies coloniales.
Les PremiĂšres Nations et leurs traitĂ©s avec la Couronne sont ignorĂ©s par les Ă©lites locales dans le processus. Câest une affaire de blancs.
> Les tendances sĂ©cessionnistes poursuivent toujours le mĂȘme colonialisme et le mĂȘme extractivisme, repris Ă la sauce locale.
Au nombre dâheures de travail et de sacrifices environnementaux que font les Albertain·es, il semble Ă beaucoup dâentre eux que le reste du pays tire Ă la fois profit de leurs efforts et mine leur prospĂ©ritĂ©. Le QuĂ©bec leur doit bien un petit pipeline, un terminal, quelque chose.
Et lâopposition quĂ©bĂ©coise aux hydrocarbures se fera dans le mĂȘme sens. LâAlberta devra nous convaincre que câest dans notre intĂ©rĂȘt. Et si on embarque dans le GNL, nous invite un Ă©ditorial du Devoir, « faisons-le pour nous », et pas simplement parce quâune « approche respectueuse des PremiĂšres Nations [suffirait] Ă racheter les dĂ©fauts dâune Ă©nergie que lâon voudrait appartenir au passĂ© ».
Et si la chicane pogne, on menacera de quitter nous autres aussi.
## MaĂźtres chez nous
Le QuĂ©bec nâest pas moins colonial que le Canada.
Mes grands-parents Ă©taient des colons. Je viens de lâAbitibi, un territoire annexĂ© en 1898 par le gouvernement fĂ©dĂ©ral.
Jâai en tĂȘte une photo de mon grand-pĂšre paternel, enfant, dans les bras de sa mĂšre, le patriarche se tenant derriĂšre avec la crosse dâun fusil posĂ©e sur son Ă©paule. En arriĂšre-plan, un champ de souches et le sommet des Ă©pinettes Ă lâhorizon.
CâĂ©tait il y a 110 ans. Un projet de colonisation proprement quĂ©bĂ©cois dont la misĂšre a fait la grandeur de la nation.
Jâai Ă©tĂ© Ă©levĂ©e dans lâexaltation de lâhĂ©roĂŻsme colonial. La proximitĂ© avec les annĂ©es de disette et la fiertĂ© que nourrit la rĂ©silience rendent difficile lâexamen critique.
> Le pillage continue, lâexpansion colonialiste et le ravage du territoire continuent.
Puis, câest le succĂšs de la colonisation en Abitibi et ailleurs qui a fait lâĂtat quĂ©bĂ©cois moderne et a permis aux Canadien·nes français·es de se hisser au sommet de la hiĂ©rarchie coloniale. Pas seulement notre Ă©lite, mais le peuple tout entier â du moins, câĂ©tait la promesse des nationalismes, de Duplessis Ă la RĂ©volution tranquille.
Il nây aurait pas eu de Convention de la Baie-James sans le vol de lâAbitibi. Les nations cries nâauraient pas nĂ©gociĂ© avec un gouvernement provincial sâil nâavait pas dĂ©jĂ dĂ©montrĂ© quâil pouvait sâemparer du territoire de toute maniĂšre.
## LâindĂ©pendance ou la libĂ©ration?
Aujourdâhui, lâĂ©chec de la RĂ©volution tranquille est consommĂ©.
Le projet colonial quĂ©bĂ©cois nâa pas menĂ© Ă lâĂ©mancipation populaire, ni mĂȘme Ă lâindĂ©pendance nationale.
On est plus que jamais coincé·es dans les dĂ©saccords provincial-fĂ©dĂ©ral et nos gouvernements municipaux sont incapables de rĂ©pondre aux crises humanitaires qui sâaggravent.
Le pillage continue, lâexpansion colonialiste et le ravage du territoire continuent. Lâaccaparement des terres autochtones continue. Et nos notables continuent la longue tradition canadienne du compromis nationaliste.
> La classe des notables ne se fait trop dâaccroires et assure son meilleur intĂ©rĂȘt, elle agite les nationalismes quand ça adonne.
On a fait grand cas dâune montĂ©e du souverainisme chez les jeunes dans les derniĂšres semaines, mais jâai peine Ă comprendre ce qui pourrait susciter un tel enthousiasme.
Quelle option souverainiste offrirait actuellement un projet assez diffĂ©rent du Canada pour justifier un appel du pays? Est-ce que ce quâon souhaite, câest seulement une version plus simple, moins compromise, de la mĂȘme chose? Une seule Ă©lite coloniale au pouvoir? RĂ©solument quĂ©bĂ©coise, avec ses mines et ses barrages hydroĂ©lectriques?
Le QuĂ©bec, câest une des pierres angulaires du Canada. LâindĂ©pendance rĂ©alisĂ©e pour elle-mĂȘme, ce nâest que la radicalisation du mĂȘme projet â et câest la raison pour laquelle elle ne se fera pas. On ne peut pas radicaliser un compromis.
LâĂtat, quâil soit provincial ou fĂ©dĂ©ral, nâest rien dâautre quâun outil. Et il est prĂ©sentement entre les mains dâune classe politique acquise aux intĂ©rĂȘts de lâindustrie et de la finance.
Avant de nous poser la question de lâindĂ©pendance, travaillons plutĂŽt Ă la libĂ©ration. Ćuvrons Ă formuler une proposition populaire et dĂ©coloniale qui puisse se saisir du pouvoir dâĂtat et rĂ©ellement dĂ©faire les ravages du projet colonial canadien.
Si lâindĂ©pendance nous sert, tant mieux, mais elle nâest pas nĂ©cessaire en soi. https://pivot.quebec/2025/07/11/le-quebec-libre/