Manuscrit n°97 : Il avait truffé son manuscrit de marques — ses personnages utilisaient des appareils Apple, s’habillaient chez H&M et Louis Vuitton — dans l’espoir que celles-ci le rémunèrent pour du placement de produit, allant même jusqu’à envisager de titrer son œuvre « Le Roman Carrefour ».

Manuscrit n°96 : On avait vite compris son petit manège avec ses romans : il reprenait des best-sellers déjà tombés dans l’oubli (genre Love Story ou Jonathan Livingston le Goéland), y glissait des téléphones portables, changeait les noms des personnages, et essayait de nous les refourguer.

Manuscrit n°95 : Le protagoniste de ce roman était accro aux tatouages et, lorsqu’il avait réussi à recouvrir entièrement son corps d’encre, il commençait alors à se tatouer en blanc par-dessus les tatouages déjà gravés dans sa peau.

Manuscrit n°94 : Elle nous a envoyé un recueil de poèmes imprimé, dans lequel tous les textes portaient sur sa propre menstruation (il s’intitulait « Chaque période a ses règles »), avec la particularité d’avoir été rédigé à l’encre carmin, qui dégageait une odeur très particulière.

Manuscrit n° 93 : Il nous a envoyé un roman en nous disant : « Vous seriez idiots de partir en vacances au lieu de rester lire mon chef-d’œuvre », et, ma foi, ça m’a donné envie de balancer l’ordi et de réserver illico un billet d’avion pour moi. On se revoit en septembre, mes chéris !

Manuscrit n°92 : Après que nous lui avons dit que son recueil érotique ne nous intéressait pas, elle nous a répondu : « Tant pis pour vous ! Moi, je vais broder mes vers sur mes draps pour faire de beaux rêves bien coquins et en profiter. »

Manuscrit n°91 : Il proposait d’écrire une biographie d’un certain Peter Martin (apparemment un biographe de James Boswell, l’auteur de La Vie de Samuel Johnson), afin de devenir ainsi le biographe du biographe du biographe du célèbre critique anglais.

Manuscrit n°90 : Il nous a envoyé tous ses récits sur le support original — au verso de ses cartes de visite — en nous suppliant de ne pas nous tromper de côté, des fois qu’on lui édite un livre qui ne contienne que la phrase : « Michel Deneuville – Gestionnaire administratif ».

Manuscrit n°89 : La protagoniste principale disparaissait vers la page 67, et quand je l’ai signalé à l’auteur, il m’a lancé que « le sens en narration est complètement surfait » et que je ferais mieux de « regarder un de ces petits chefs-d’œuvre du grand David Lynch.

Manuscrit n°88 : On voit bien qu’il est venu déguisé ce matin, et déjà l’après-midi, il nous a envoyé ce courriel succinct : « Vous voyez le facteur qui vous a remis un manuscrit ce matin ? EH BIEN CE N’ÉTAIT PAS UN FACTEUR, C’ÉTAIT MOI EN PERSONNE xD xD !!! »

Manuscrit n°87 : Essai de facture académique avec seulement cinq pages d’analyse et deux cent treize de bibliographie ! Son autrice justifie ce déséquilibre dans sa lettre de motivation en affirmant : « Puisque tout a déjà été dit par d’autres, à quoi bon se donner du mal, bon sang ? »

Manuscrit n°86 : Un essai prolongeant la pensée de Pascal : si celui-ci disait que « tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir rester en repos dans une chambre », l’auteur allait plus loin en affirmant que tout mal arrive quand on essaie de se lever du canapé.

Manuscrit n°85 : Roman sous adrénaline sur trois braqueurs qui semblaient tout réussir… jusqu’à la fin : par erreur, ils achetèrent des bas non respirants pour leur dernier grand casse (dans une agence du Crédit Lyonnais) et moururent tous les trois asphyxiés.

Manuscrit n°84 : Thriller qui démarrait avec ce message d’absence glaçant : « Si tu lis ce message automatique, c’est que mon boss m’a littéralement tué à la tâche, et que mon corps est en train de pourrir quelque part sous les gravats de la décharge municipale. »

Manuscrit n°83 : Roman ? parfait pour cette période de l'année où il ne disait que « Bon été, bandes de connardsssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss » pendant trois cents pages, voire plus.

Manuscrit n°82 : Roman où un urinoir des vieux chiottes d’Austerlitz servait de machine à remonter le temps : pendant que le héros traînait dans d’autres époques et mondes, son corps restait affalé contre la faïence, livré aux humiliations, aux pisses et aux viols des zonards de passage.

Manuscrit n°81 : Pièce de théâtre expérimentale dans laquelle, une fois les spectateurs entrés dans la salle, les acteurs barricaderaient les portes, les observeraient fixement, mal à l’aise, puis leur lanceraient : « À votre tour de nous divertir, bordel de merde ! »

Manuscrit #80 : Les mémoires d’un garçon qui avait déménagé à Carhaix-Plouguer juste pour le festival des Vieilles Charrues, avant de réaliser que « la ville, en fait, c’était pas la folie » et que le reste de l’année, c’était un coin « plutôt paumé et franchement invivable ».

Manuscrit n°79 : Il s’agissait de réimaginer la Divine Comédie de Dante, mais en la situant dans le métro parisien : au lieu de cercles de damnés, l’enfer serait composé des différentes lignes de ce réseau souterrain.

Manuscrit n°78 : Les critiques disent toujours que, dans certains romans, « la ville est un personnage à part entière », mais ici, c’était vrai : la ville participait, parlait, et à un moment de l’intrigue, elle allait même jusqu’à se déplacer vers la côte pour se rapprocher un peu de la mer.

Manuscrit n°77 : Il nous envoyait des romans qui n’étaient pas mauvais, mais s’obstinait à vouloir les publier sous le pseudonyme de “Patrick Modiano” (alors qu’il s’appelait Léo), et affirmait que l’existence d’un autre écrivain, nettement plus connu, portant ce nom-là, lui était totalement égale.

Manuscrit n°76 : Un roman dont les héroïnes sont... des portes: trois portes très différentes – de réfrigérateur, de voiture et d’intérieur – se rencontrent dans un centre de recyclage et préparent leur vengeance contre les humains qui ont voulu s’en débarrasser.

Manuscrit n°75 : Roman choral mettant en scène un groupe d’artistes et d’écrivains lassés de l’explosion des loyers à Paris. Dès le premier chapitre, le groupe décide de s’installer à Châteauroux, dans l’Indre, rebaptise la ville « Nouveau Belleville », et s’y installe pour de bon.

Manuscrit n°74 : Il disait que sa littérature visait à « percer le mystère profond du clavier », et joignait un texte – je cite, il était timbré – : « lkjasdfas asl adsflkjnmcnvoiu weiueriwe d jsdfds kj dslkjkljop ».

Manuscrit n°73 : Dystopie dans laquelle la France légalise les armes comme aux États-Unis. Résultat : ton voisin t’offre un Desert Eagle “hors taxe” entre deux pastis, et au marché du dimanche, une vieille Manouche vend des “escoupettes” planquées sous des slips Hello Kitty et des melons trop mûrs.

Manuscrit n°72 : Roman délirant dans lequel Jean Moulin aurait survécu à la torture nazie pour orchestrer, depuis quelque abri secret, les grands désordres de la République : Mai 68, les grèves métallos de Longwy, la naissance d’Action directe, et, pourquoi pas, l’assassinat de Georges Besse.

Manuscrit n°71 : Elle disait écrire du « romantic cozy crime », et son roman racontait l’histoire d’un couple marié qui, chaque soir, s’assoit sur le canapé sous les couvertures, regarde le journal télévisé et « ce qu’il y a après », tout en planifiant d’empoisonner l’autre à coups de Häagen-Dazs.

Manuscrit n°70 : C’était un roman de body horror sur un jeune de province fan de tuning, mais un peu bizarre : alors que ses potes customisent leurs voitures, lui, il se peint le corps en vert menthe et colle des ailerons sur sa peau avec du scotch pour se customiser lui-même.

Manuscrit n°69 : Il prétendait avoir réécrit une version féministe et percutante de Lolita, mais en y regardant de plus près, c’était juste un copié-collé de la traduction d’Éric Kahane chez Gallimard, avec pour toute retouche le changement de sexe des personnages : Lolito et Hubertine, et basta.

Manuscrit n°68 : Celui-ci m’a fait un peu peur : intitulé « Le bestiaire invincible », il met en scène le lion anthropomorphe Milei, l’aigle chauve Donalda et l’ours brun Vladimir, trois créatures étranges unies pour sauver — on ne sait trop de quel agenda mondial — la pauvre humanité.

Manuscrit n°67 : Il semble que vous ayez un certain fétichisme, car tous les titres de vos romans d’amour (« Pieds nus dans le parc », « Ton talon immaculé », « De quelle couleur ses ongles ? », « Le frottement de tes chaussettes sur ma peau ») tournent autour des pieds.

Manuscrit n°66 : Les gens râlent sur les anachronismes de Gladiator II, alors que nous, un jour, on a reçu un roman sur des Romains où — sans aucune explication de voyage dans le temps — les centurions consultaient la météo du champ de bataille sur une appli de leurs smartphones.

Manuscrit n°65 : Celui-ci disait vouloir aller plus loin que ce qu’avait accompli Peter Handke dans Après-midi d’un écrivain (1987) : son roman s’intitulait Digestion d’un écrivain et ses plus de cent pages ne couvraient que la digestion, la prise de café et la sieste qui s’ensuivait.

Manuscrit n°64 : Nous avons reçu ceci il y a quelques mois, au moment de l’engouement pour Bluesky:

Manuscrit n°63 : Cette fille n’a pas envoyé le roman terminé, seulement un résumé — permettez-moi de dire, bien trop sucré à mon goût — qui disait :

Manuscrit n°62 : C’était un roman très lugubre intitulé Et à la fin, il eut son jardin, avec pour héros un jeune homme obsédé par l’idée d’acheter une maison avec jardin, symbole du statut qu’il rêvait d’atteindre. Il faisait des études « utiles », travaillait dans...

Manuscrit #61 : Une chanteuse de trap inconnue m’a envoyé un manuscrit, espérant publier les paroles complètes de ses morceaux — à la manière de Bob Dylan ou Lou Reed, disait-elle. Voici l’un de ses textes, qu’elle présentait comme inédit :

Manuscrit n°60 : Il terminait sa lettre de motivation par une liste de qualités qui, selon lui, faisaient de lui un auteur très facile à promouvoir : "jeune, beau, avec une petite crinière, issu d’un bon milieu parisien, et ancien élève de Sciences Po."

Manuscrit n°59 : Apparemment, il avait trop honte pour nous remettre le manuscrit en main propre. Il a sonné, laissé la copie sur le palier, puis s’est enfui. Les voisins nous ont dit qu’il s’était vautré dans l’escalier et qu’il avait fallu appeler une ambulance.

Manuscrit n°58 : Il nous avait déjà envoyé son manuscrit maquetté à la manière de Gallimard : couverture blanche à double filet rouge, titre centré en Garamond, nom de l’auteur en rouge, et le nrf en bas — histoire qu’on visualise bien « ce que donnerait son roman publié chez cette grande maison ».

Manuscrit n°57 : L’autrice nous envoie un manuscrit qui, explique-t-elle, serait une adaptation pour adultes et passionnés de l’époque médiévale de son film préféré quand elle était petite, Le Roi lion… La fille avait réécrit le Hamlet de Shakespeare sans connaître l’original, je le crains.

Manuscrit n°56 : C'était une idée de conte pour enfants contre le racisme dans notre société : Enfants d’un dieu brun, avec pour héros un brownie de pâtisserie qui fuyait son triste destin, mais qu’on prenait en ville pour une crotte sur le trottoir, ce qui lui valait bien des malheurs.

Manuscrit n°55 : Il était précédé de la dédicace suivante : « À ces salauds de mes parents, sans le soutien desquels je n’aurais jamais développé les traumatismes qui ont fait de moi un écrivain. »

Manuscrit n°54 : C’était un roman sans la lettre « e », et avant que vous parliez de La Disparition de Perec, précisons que ce n’était pas ça : il ne s’agissait pas de choisir des mots sans « e » mais d’´crir normal m nt puis d r tir r la cinqui`m l ttr d l’alphab t, comme un taré.

Manuscrit n°53 : Je crois qu’il s’est trompé, parce qu’il a envoyé un roman censé se dérouler pendant une hypothétique 3e Guerre mondiale, mais d’après ce que j’en ai lu, ça racontait juste l’histoire d’un type de Limoges, au chômage, qui passait ses journées à boire des bières avec ses potes.

Manuscrit n°52 : Un polar situé à Mende, plutôt réussi, mais avec un souci : le héros s’appelait « le Fourgonette » (il roulait en Renault Express pour ses combines), et l’auteur a refusé de changer ce surnom pour un truc plus classique.

Manuscrit n° 51 : Celui-ci, soit je l’ai mal compris, soit c’était un guide des meilleurs coins de rue de la ville : pour s’appuyer, uriner en urgence, vendre des tickets de loterie ou, je cite, « une fois la nuit tombée et en cas de nécessité », se prostituer.

Manuscrit n°50 : Un nouveau recueil où l’autrice s’attaque au banal, au médiocre et au vulgaire — avec des poèmes sur des chaussettes sales, un chewing-gum, une facture, et même, oui, une crotte. Elle lui consacre toute une ode. La voici :

Manuscrit n°49 : Ce n’était que le pitch de départ, mais ça m’a marqué : il voulait faire un remake « plus moderne et actuel » de la trilogie du Seigneur des Anneaux, mais peut-être — il y réfléchissait encore — en situant toute l’histoire à Créteil.

Manuscrit n°48 : Il nous a envoyé un roman cru sur la vie d’un junkie, très réaliste, dur à lire. On n’a pas pu le représenter, et il a juste répondu : « Et je me shootais pour ça depuis un an ? »