loading . . . Un simple accident (Jafar Panahi) AprĂšs le film dâhier, jâavais besoin de voir _autre chose_ , et donc dĂ©couvrir la Palme dâOr 2025 Ă©tait un parfait exutoire. Et comme câest un bon film, ça fait un bien fou !! Un film de cinĂ©aste, un film avec une histoire, et un contexte politique, social et humain singulier, des comĂ©diens et comĂ©diennes qui tiennent la route, et une camĂ©ra avec un regard qui interpelle. AprĂšs le film nâest pas non plus parfait, mais tout de mĂȘme câest une vĂ©ritable rĂ©ussite qui mĂ©ritait bien ses prix et son succĂšs.
Câest suite Ă un « simple accident » quâun type et sa famille (son Ă©pouse enceinte et sa petite fille) doivent sâarrĂȘter dans un endroit et demander de lâaide pour redĂ©marrer leur vĂ©hicule. Mais voilĂ que Vahid entend le type marcher du fond de son lieu de travail, et il tremble dâeffroi⊠Le grincement de la prothĂšse de jambe du type lui rappelle immĂ©diatement son ancien bourreau (on comprend quâil a Ă©tĂ© en prison pendant plusieurs annĂ©es et quâil a subi un calvaire). Sur un coup de tĂȘte, il le kidnappe et veut lâenterrer vivant dans une zone dĂ©sertique. Mais Ă©videmment le type dĂ©ment ĂȘtre le fameux « Eghbal », et Vahid a un doute. Il va alors voir un ancien co-dĂ©tenu ayant aussi Ă©tĂ© torturĂ© par le gars pour en avoir le cĆur net. Câest ainsi quâil est tour Ă tour mis en contact avec dâanciens compagnon dâinfortune, tous traumatisĂ©s par leurs emprisonnements et ce tortionnaire. Ils vont se questionner sur qui est ce type, ce quâil faut lui faireâŠ
Inutile de dire que le film est trĂšs lourd sur le sujet trĂšs politique et trĂšs actuel de lâIran, et surtout avec un rĂ©alisateur qui a Ă©tĂ© en prison, et qui est encore aujourdâhui couramment menacĂ©, mais continue Ă tourner en prenant les plus grands risques. Le film en lui-mĂȘme est aussi une prouesse puisquâil est tournĂ© avec des extĂ©rieurs pour lesquels il nâa bien sĂ»r eu aucune autorisation. Les femmes ne sont pas toutes voilĂ©es, ce qui est Ă©galement interdit.
Ce qui est intĂ©ressant et troublant, câest aussi que lâauteur ose un mĂ©lange de genres hallucinant et gĂ©nial. Dâailleurs cette juxtaposition dâambiances ferait un peu penser Ă Parasite avec cette incroyable facultĂ© de passer du film politique, au thriller, Ă la peinture de mĆurs, Ă la comĂ©die absurde et au mĂ©lodrame. Et il faut le faire pour rĂ©ussir cette alchimie, mais câest sans doute lâimmense rĂ©ussite de ce film. Car Vahid rassemble Shiva qui est en train de faire les photos de mariage de son amie Goli (en belle robe de mariĂ©e) et son futur Ă©poux Ali. Or les deux femmes ont Ă©tĂ© emprisonnĂ©es et sont tout autant des victimes dâEghbal. Et pour finir, il y a Hamid, un beau mec complĂštement dĂ©boussolĂ© et encore largement atteint par les tortures, avec une colĂšre irradiante et qui le consume pendant tout le film. Ce petit monde est dans le van de Vahid, et essaie de savoir ce quâils doivent faire de ce type, si câest bien le bon bourreau, et comment se sortir de cette inextricable aventure.
Mais pour chacun ce parcours initiatique en forme de road-movie bancal, dans un Iran oĂč la corruption gĂ©nĂ©ralisĂ©e les amĂšnent Ă bakchicher toutes les deux minutes, et partager entre lâhumanitĂ© de situations singuliĂšres (sâoccuper de la femme enceinte de la fille dâEghbal) et lâenvie de faire disparaĂźtre ce type pour enfin avoir une forme de « conclusion » Ă leurs souffrances encore Ă vif, et Ă des sĂ©quelles qui (p/n)ourrissent encore leur quotidien physiquement et moralement.
Le film nous emmĂšne aussi, nous spectateurs, dans la camionnette avec une camĂ©ra, curieux _tĂ©moin oculaire_ , qui nous fait partager les doutes et les souvenirs de torture, et les douleurs encore vivaces. Tout cela est supportable par ce mĂ©lange de genres, et par cette lĂ©gĂšretĂ© qui existe encore, mĂȘme dans un monde insupportable. Le rythme est trĂšs soutenu, et on nâest vraiment pas dans une ambiance lymphatique ou contemplative, avec parfois justement un peu trop dâhystĂ©rie pour moi, mais juste un brin.
La fin est un retour formel Ă la scĂšne initiale, avec un mĂȘme _gimmick_ trĂšs habile qui est lourd de signification, alors quâil Ă©tait assez mystĂ©rieux pour nous au dĂ©but. On peut alors imaginer plein de choses, mais donc allez le voir !! Câest beau du cinĂ©ma comme ça ! Avec des codes cinĂ©matographiques assez universels pour nous toucher au cĆur et au cerveau, et nous permettre de nous identifier avec ces personnages dont pourtant le quotidien est si diffĂ©rent, mais dont lâhistoire peut ainsi parfaitement nous interpeler.
Je plussoie https://matoo.net/2025/10/15/un-simple-accident-jafar-panahi/